Thérèse et l’Annonciation
25 mars 1883
Le 25 mars 1883, Céline et Thérèse Martin fêtent à la fois l’Annonciation et Pâques, chez leur oncle Isidore Guérin, frère de Zélie. Pendant le repas, le souvenir de Zélie est évoqué : Thérèse s’effondre en pleurs. Il faut la porter dans son lit et appeler le médecin : celui-ci ne peut que constater l’extrême gravité de son état.
Louis Martin était en voyage à Paris avec Pauline et Marie.
Alerté de la situation, il revient en toute hâte. Mais durant de longues semaines Thérèse demeura entre la vie et la mort, en proie aux fièvres, hallucinations, crises et délires…
Cette maladie connaîtra son paroxysme le 13 mai 1883 : c’était le jour de la Pentecôte. Louis Martin avait demandé une neuvaine de messes à l’église Notre-Dame des Victoires.
Ce jour-là, alors que la neuvaine s’achevait, Thérèse, gisait hagarde sur son lit, ne reconnaissant plus ses soeurs. Léonie, Marie et Céline, éplorées, se jetèrent aux pieds de la statue de la Vierge qui avait été installée près du chevet de la petite malade. Elles supplièrent Marie de venir au secours de leur pauvre petite soeur… Thérèse se tourna à son tour vers l’image de « la Vierge du Sourire », et, en un éclair, vit le visage de la statue transfiguré par un sourire…
Presqu’aussitôt, Thérèse fut guérie. Sa « Maman du Ciel » avait guéri, au fond de son coeur, la profonde blessure causée par la mort de sa maman terrestre…
Céline Martin rapporte cette anecdote contée par Zélie elle-même, qui restitue un peu la relation entre Thérèse enfant et sa mère, mêlant la fermeté qu’inspire le véritable amour et le souci d’une éducation exigeante, et une tendresse débordante :
« Un matin, je voulus l’embrasser avant de descendre ; elle paraissait profondément endormie, je n’osais donc la réveiller, quand Marie me dit: « Maman, elle fait semblant de dormir, j’en suis sûre ». Alors, je me penchai sur son front pour l’embrasser; mais elle se cacha aussitôt sous sa couverture en me disant d’un air d’enfant gâtée: « Je ne veux pas qu’on me voie ». Je n’étais rien moins que contente et le lui fis sentir.
Deux minutes après, je l’entendais pleurer et voilà que bientôt, à ma grande surprise, je l’aperçois à mes côtés. Elle était sortie toute seule de son petit lit, avait descendu l’escalier pieds nus, embarrassée dans sa chemise de nuit plus longue qu’elle. Son petit visage était couvert de larmes: « Maman, me dit-elle, en se jetant à mes genoux, Maman, j’ai été méchante, pardonne-moi ! » Le pardon fut vite accordé. Je pris mon chérubin dans mes bras, le pressant sur mon cœur et le couvrant de baisers.
Quand elle s’est vue si bien reçue, elle m’a dit : « Oh! Maman, si tu voulais m’emmaillotter comme quand j’étais petite! Je mangerai mon chocolat, ici, à table ». Je me suis donné la peine d’aller chercher sa couverture, puis je l’ai emmaillotée comme quand elle était petite. J’avais l’air de jouer à la poupée ».
Le 9 avril 1888, Thérèse entra au Carmel de Lisieux, auquel elle aspirait depuis longtemps : en raison du calendrier liturgique (le Mercredi Saint, cette année-là, tombait le 25 mars), c’est ce jour-là qu’était fêtée l’Annonciation.
Cette Annonciation résonne comme un écho joyeux par rapport à l’Annonciation de 1883, et manifeste la guérison éclatante de l’enfant de Marie, sauvée par le sourire de sa mère céleste et désormais fille d’un Ordre qui lui est consacré (le Carmel fait mémoire de la promesse de l’Ancien Testament de « la Vierge » qui « concevra un fils », et de la prière et de l’attente des prophètes d’Israël avant l’Incarnation du Christ.)
Dans un de ses poèmes, Thérèse médite le mystère de l’Annonciation :
« Lorsqu’un ange du Ciel t’offre d’être la Mère
Du Dieu qui doit régner toute l’éternité,
Je te vois préférer, ô Marie, quel mystère !
L’ineffable trésor de la virginité.
Je comprend que ton âme, ô Vierge Immaculée
Soit plus chère au Seigneur que le divin séjour
Je comprends que ton âme, Humble et Douce Vallée
Peut contenir
Du Dieu que tu ravis par ton humilité
Cette vertu cachée te rend toute-puissante
Elle attire en ton cœur la Sainte Trinité
Alors l’Esprit d’Amour te couvrant de son ombre
Le Fils égal au Père en toi s’est incarné
De ses frères pécheurs bien grand sera le nombre
Puisqu’on doit l’appeler : Jésus, ton premier-né ! »