Canonisation des saints Louis et Zélie Martin, 10 ans déjà !

Le 18 octobre prochain, nous célébrerons les dix ans de la canonisation des saints Louis et Zélie. Nous aimons nous souvenir de ce que Thérèse dit de ses parents à l’abbé Bellière : « le bon Dieu m’a donné un père et une mère plus dignes du Ciel que de la terre. » (Lt 261). Ils se sont montrés dignes du ciel en s’efforçant déjà d’être dignes de la terre ! Ils ont puisé cette dignité en s’efforçant d’accomplir la parole portée dans la prière du Notre Père : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. »

Canoniser un couple de parents. Pourquoi ?

Le couple Martin n’a pas été le premier couple « béatifié ensemble », mais reste pour le moment le premier que l’Eglise a « canonisé ensemble ». Souhaitons qu’il soit le début d’une longue liste à venir. Louis et Zélie demeurent pourtant d’une grande nouveauté dans l’histoire de l’Eglise, presque une provocation dans l’assemblée des saints. La sainteté, malgré tout l’apport théologique récent, reste associée dans notre inconscient catholique à : perfection, martyr, vie austère et religieuse. Comment un couple, un père et une mère de famille, des entrepreneurs qui ont gagné de l’argent… sont-ils devenus des saints ? Ce n’est pas possible ! Et il est vrai que les idées reçues, voir même une certaine incompréhension continuent d’entourer Louis et Zélie. Oserions-nous mettre dans chaque église du monde, une statue du premier couple canonisé, ces saints patrons qui devraient être les modèles de tous les pères et mères de famille ? Il n’est pas sûr que cela arrive tout de suite car, à première vue comment faire nôtres ces saints du quotidien, alors que sans doute nous cherchons nous-mêmes à nous défaire de notre quotidien, trop trivial à nos yeux, trop matériel, trop décevant, pour une aspiration toujours plus haute, plus transcendante ? La sainteté est-elle là ? Ne faut-il pas fuir le monde pour trouver Dieu ?

Bien au contraire. Ce que l’Eglise notre mère nous montre, en canonisant un couple, c’est une voie de sainteté où finalement Dieu tient, plus que tout, la première place. C’est Lui qui pélerine avec ce couple. Quand on découvre la vie des Martin, on comprend mieux le combat spirituel, l’amour et ses embuches, le don de soi et la confiance inébranlable en Dieu. Se trouve, quelque part incarnée, cette « petite voie » qui sera théorisée et approfondie sous la plume de Thérèse. De manière presque prophétique, face à un monde qui perd même le sens de l’existence humaine et celui de la création, quelle belle intuition de l’Eglise d’avoir porté ce couple sur les autels ! Pour nous en convaincre, méditons à nouveau cette phrase de saint Paul VI : « le Monde a plus besoin de témoins que de maîtres et il écoutera les maîtres s’ils sont d’abord des témoins ».

Grégoire Moreau, laïc, époux et père de famille, secrétaire général du Sanctuaire d’Alençon

Le processus de canonisation, les miracles

Pendant des siècles, c’est la vox populi, la voix du peuple qui a proclamé la réputation de sainteté de tel ou tel membre de l’Eglise. Face à des abus, sont apparus au XVIe siècle les « procès de béatification », permettant de faire entendre le pour et le contre en l’appuyant sur des témoignages et des preuves. L’héroïcité des vertus reconnues, la personne porte le titre de vénérable.  Mais il faut la reconnaissance de deux miracles opérés par elle pour conduire à sa canonisation.

Témoin et intercesseur, nous avons là comme les deux pôles d’une sainteté reconnue plus localement par la béatification, plus universellement par la canonisation.

Et dans le cas de Louis et de Zélie Martin ?

Connus d’abord grâce au récit autographique de leur fille, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, on perçoit chez eux une qualité de vie chrétienne au point qu’en 1956 s’ouvre le procès de béatification de Louis au diocèse de Bayeux puis de Zélie dans celui de Séez.

Le pape saint Paul VI décide de réunir ces deux causes en une qui devient celle du couple, en attendant l’éventualité de la reconnaissance de deux miracles.

Pour la béatification, c’est ce qui advient, avec la guérison de Pietro Schiliro, un jeune de 23 ans aujourd’hui, dont les parents sont venus participer à la dernière Fête des saints Louis et Zélie, le 12 et 13 juillet dernier à Alençon, lui-même étant retenu en Italie par des examens

Né le 25 mai 2002 à Monza (Italie), il est guéri le 29 juin suivant « d’un grave syndrome d’aspiration de méconium associé à une hypertension astéroise-pulmonaire, avec de nombreux pneumothorax ». Cette guérison est déclarée inexplicable par la commission médicale de la Congrégation pour la cause des saints. Et les consulteurs théologiques, ayant étudié les événements, reconnaissent qu’elle est le fruit de l’intercession des époux Martin. Le pape Benoit XVI confie alors au cardinal Saraiva-Martins le soin de célébrer leur béatification le 19 octobre 2008 à Lisieux.

Pietro présente une exposition sur sainte Thérèse lors d’un meeting à Rimini (Italie).

Et pour la canonisation, il s’agit de la guérison miraculeuse de Carmen Lourdes Péres Pons née prématurée à Valence (Espagne) le 15 octobre 2008 avec plusieurs pathologies dont une grave hémorragie compromettant de plus en plus sa vie.

Sur les conseils de la prieure du Carmel de Serra, des prières sont organisées au terme desquelles la santé de Carmen est rétablie au point qu’elle ne garde aucune séquelle au plus grand étonnement des médecins. Un épais dossier sur cette guérison est soumis à la commission médicale et théologique de la Congrégation du culte des saints qui conclut au miracle. Le pape François décide alors la canonisation de Louis et Zélie à Rome le 18 octobre 2015, il y a tout juste 10 ans.

Ceci pour la plus grande joie de beaucoup qui, dans le contexte souvent difficile des familles, trouvent auprès de ce couple des intercesseurs et des témoins d’espérance.

Père Thierry Hénault-Morel, recteur du Sanctuaire d’Alençon

Un couple, à recevoir comme un don

Le cardinal José Saraiva Martins, alors préfet de la Congrégation pour les causes des saints, présidant en 2008 leur béatification, nous a invité à recevoir les époux Martin comme un don. Il prévoyait déjà ce nous constatons chaque jour, à savoir la grande proximité de ce couple avec tant de nos contemporains. Il disait :

« Louis et Zélie sont un don pour les époux de tous âges par l’estime, le respect et l’harmonie avec lesquels ils se sont aimés pendant 19 ans. Zélie écrivait à Louis : Je ne puis pas vivre sans toi, mon cher Louis. Il lui répondait : Je suis ton mari et ami qui t’aime pour la vie. Ils ont vécu les promesses du mariage : la fidélité de l’engagement, l’indissolubilité du lien, la fécondité de l’amour, dans le bonheur comme dans les épreuves, dans la santé comme dans la maladie.

Louis et Zélie sont un don pour les parents. Ministres de l’amour et de la vie, ils ont engendré de nombreux enfants pour le Seigneur. Parmi ces enfants, nous admirons particulièrement Thérèse, chef d’œuvre de la grâce de Dieu mais aussi chef d’œuvre de leur amour envers la vie et les enfants.

Louis et Zélie sont un don pour tous ceux qui ont perdu un conjoint. Le veuvage est toujours une condition difficile à accepter. Louis a vécu la perte de sa femme avec foi et générosité, préférant, à ses attraits personnels, le bien de ses enfants.

Louis et Zélie sont un don pour ceux qui affrontent la maladie et la mort. Zélie est morte d’un cancer, Louis a terminé son existence, éprouvé par une artériosclérose cérébrale. Dans notre monde qui cherche à occulter la mort, ils nous enseignent à la regarder en face, en s’abandonnant à Dieu. »

©Sanctuaire de Lisieux

On pourrait ajouter à cette liste qu’ils sont un don aussi pour celles et ceux qui s’efforcent de vivre le travail comme un appel à mettre en œuvre ses talents, mais aussi comme un bien à partager pour qu’un grand nombre y trouvent leur épanouissement et leurs ressources pour une vie digne.

Père Thierry Hénault-Morel, recteur du Sanctuaire d’Alençon

10 ans après la canonisation, l’espérance en marche

Les saints vivent à une époque mais, ils parlent à toutes les époques. Ils sont actuels et contemporains. C’est la découverte qu’un nombre grandissant de personnes font de Louis et Zélie Martin. Ce qui interpelle et réjouit dans ce constat, c’est l’étendue des publics très diversement situés de par leur sensibilité religieuse, leur situation sociale, leur âge, leur localisation géographique…

Un reliquaire des saints Louis et Zélie, copie de la châsse installée à Lisieux, est présent au cœur de la basilique Notre-Dame d’Alençon, dans la chapelle où les époux Martin se sont dit « Oui ».

Saints de la porte d’à côté

Louis et Zélie sont facilement identifiés, « aux saints de la porte d’à côté », évoqués par le pape François. Les parents Martin sont proches et accessibles pour tous par de multiples aspects de leur vie personnelle, conjugale, parentale, professionnelle, économique et sociale… y compris jusque dans leur vulnérabilité et leur traversée des épreuves. Par leur foi en Dieu et en l’homme ils donnent à voir une belle unité, une cohérence de vie. Ils ne sont pas prisonniers des conditionnements sociaux qui les environnent. Ils traversent leur époque avec une valeur sûre, peut être encore plus nécessaire en 2025 qu’en leur temps : la liberté intérieure.

Ils n’ont pas connu le chant « Dieu fait de nous en Jésus Christ des hommes libres ; Tout vient de Lui, tout est pour Lui : qu’il nous délivre ! Peuple habité par son Esprit, heureuse Eglise, la voix du Père t’a choisi : maintiens son signe ! Peuple choisi pour annoncer une espérance montre ton Christ, il t’a chargé de sa présence » mais ils l’ont vécu.

Un chemin pour revisiter notre vie

De plus, dans la vie de Louis se côtoient quatre périodes à peu près égales : la jeunesse, le long temps du célibat, le temps du mariage, le temps du veuvage. Louis devient alors parent seul avec une fratrie de cinq enfants. Si nous pensons également à Zélie, son enfance, les difficultés éducatives avec leur fille, Léonie et sa mort à la force de l’âge, nous voyons la proximité avec tant de pèlerins.

L’an dernier, une mamie venue à la maison Martin, avec sa petite fille adolescente, dit en sortant : « J’étais venue en pensant visiter un musée et je sors touchée par une présence qui m’invite à revisiter toute ma vie ». C’est en ce lieu que Louis et Zélie, au travers des joies et des épreuves, ont appris à aimer. Les saints actualisent le dialogue entre les disciples et Jésus dans l’évangile de Jean : « Maître, où demeures-tu ? » et Jésus de répondre : « Venez et voyez ».

Réussir dans la vie… ou réussir sa vie ?

Notre époque se caractérise par une réelle pression pour réussir DANS la vie (bon niveau d’études, bon niveau de pouvoir d’achat, bon cadre de vie, abondance de loisirs etc.) minimisant que pour réussir non pas dans la vie mais réussir SA vie, l’on ne peut mettre sous le boisseau la question du psaume 4: « Qui me fera voir le bonheur ? » N’est-ce pas d’amour qu’il s’agit avant tout ?

On vient chercher sur les pas de Louis et Zélie des éléments de discernement mettant sur le chemin de la « civilisation de l’amour ». En cela les saints nous confortent car ce que l’on cherche à vivre, ils l’ont réussi avant nous tout en ayant des limites, contraintes et difficultés qui sont les nôtres.

Quel chemin d’espérance !

Au terme de la visite de la Maison de la famille Martin, les pèlerins, familles, couples peuvent prendre un temps de prière devant la chambre des saints époux Martin.

Guy Fournier, diacre, adjoint au recteur du sanctuaire d’Alençon