De Lisieux à Alençon, le pèlerinage des saints Louis et Zélie

Offertes par le Carmel et le Sanctuaire de Lisieux, d’importantes reliques du couple Martin sont arrivées au Sanctuaire, le 12 juillet dernier, au terme d’un pèlerinage qui aura emmené une cinquantaine de pèlerins par jour sur les routes normandes, le reliquaire étant transporté lui sur une voiture attelée et tirée par deux percherons. Un périple spirituel et humain de plus de 100 kilomètres, sur six jours, qui aura permis de traverser plusieurs lieux, d’être accueilli par les communautés paroissiales et les habitants. Les animations et les différents enseignements ont été assurés successivement par les équipes des deux sanctuaires autour de l’amour, thématique déclinée sous plusieurs angles : filial, fraternel, conjugal, parental, social, ecclésial…

L’arrivée sur Alençon s’est accomplie de manière belle et solennelle, en processionnant à travers les rues, sous un magnifique soleil. Ce reliquaire réalisé en 2008, réplique plus petite de la châsse principale des époux conservée à Lisieux, était auparavant itinérant. Il a été installé désormais de manière définitive, dans la chapelle où les saints époux se sont mariés, par le Cardinal Bustillo invité pour l’occasion, entouré par une assemblée de 400 personnes, au cœur de la basilique d’Alençon. Une veillée avec différents témoignages d’actions de grâce, ainsi qu’une journée du lendemain durant laquelle 80 couples ont renouvelé leurs promesses de mariage, ont complété la fin d’un pèlerinage mémorable.

Au cœur de son homélie, le Cardinal a proposé notamment une méditation sur l’amour des époux comme signe de l’amour de Dieu, reprenant les termes de l’Epitre de Paul aux Colossiens : « Tendresse, compassion, bonté, humilité, douceur, patience, supporter, pardonner, et le tout pour être dans la paix et pour transmettre la paix. Ces termes sont rares, hélas, dans notre vie relationnelle. On les prêche, on les connaît, mais est-ce qu’on y croit vraiment ? Notre vie sociale manque cruellement d’idéal d’amour et d’unité. La solidité de la vie relationnelle a perdu ses repères philosophiques, philanthropiques, spirituel. Alors, comme la banquise, nous assistons à une fracture de l’unité, à une dilution des valeurs traditionnelles qui donnaient une stabilité au corps social. Il nous semble que depuis la fin du XXe siècle, il y a une confusion entre l’amour et l’affection et le résultat est sévère. L’amour par nature est puissant. L’amour est oblatif par nature, mais il se transforme aujourd’hui en amour sélectif. Donc il est dénaturé. L’amour pas nature est durable et il se construit dans le temps. L’amour vrai est authentique. L’amour puissant disparaît. Dans notre société, l’amour se fragilise et s’oriente vers l’affection (…) L’affection est un sentiment subjectif. Par l’affection, on ressent de l’attirance pour les autres rapidement. C’est une émotion. Mais l’affection peut mettre des frontières à la puissance de l’amour. Dans l’affection, on apprécie ceux qui sont comme nous, ceux qui pensent comme nous, ceux qui font partie de notre univers alors que l’amour n’a pas de frontière. L’amour est universel et une société qui n’aime pas est une société fragile. Une société sans amour souffre. Une société qui ne s’aime pas n’avance pas. Elle est paralysée.
L’amour, comme disait saint Maximilien Kolbe, est une force de création. Une société sans amour ne croit pas et ne crée pas. Nous ne pouvons pas aimer tout le monde de la même manière, avec la même intensité. Nous sommes tous d’accord. Mais nous ne pouvons pas déléguer au pouvoir politique, au pouvoir financier de nous prêcher l’amour. L’église a un message à donner à partir de son expérience.

Louis et Zélie se sont aimés. Ils ont connu une vie professionnelle intense. Ils ont connu des épreuves eux aussi dans leur vie de couple, dans leur santé. Mais malgré les difficultés et malgré les souffrances, les époux Martin ne se sont pas repliés sur eux-mêmes. Leur maison est restée une maison ouverte, accueillante à tous. Ils se sont aimés et ils ont aimé. La spiritualité chrétienne est une force pour croire et pour espérer. Sans spiritualité, on peut sombrer très vite dans la barbarie. La foi nous protège des comportements primitifs. Notre époque souffre entre autres à cause de notre manque de profondeur et de vision dans la vie relationnelle. Si on écoute seulement la voix nous poussant à la réussite, à la performance, nous risquons de gagner dans la vie professionnelle, mais nous risquons de tout perdre dans la vie relationnelle et dans la vie affective. La spiritualité n’étouffe pas l’être mais le libère. La spiritualité n’atrophie pas le potentiel mais le débloque. Notre société a besoin de liberté. Elle doit sortir de la névrose du calcul relationnel pour libérer la pensée, pour imaginer une société meilleure, pour agir pour le bien. Et l’amour doit être toujours le moteur de notre vie. »

(Re)Vivre le pèlerinage et la Fête des saints Louis et Zélie