Qu’allons-nous faire ?
Homélie du 27 mars
« Afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 45-57)
Dans la première Lecture, Ezequiel proclame la Parole du Seigneur pour dire qu’il conclut avec nous une alliance de paix, une alliance éternelle avec son peuple, avec nous. Dans l’évangile, nous entendons: «A partir de ce jour-là, ils décidèrent de le tuer. » Ce mystère de vie et de mort ne nous est pas étranger. Il concerne chacun de nous, il nous est intérieur parce qu’il partage nos coeurs partagés. En cela, il y a quatre mots de l’évangile qu’il nous faut retenir avec attention même s’ils semblent être un détail sans importance.
« Qu’allons nous faire ? »
En cette Semaine Sainte que nous abordons, il nous faut retenir ces paroles de certains de ces témoins de la résurrection de Lazare. Des témoins qui restent enfermés en eux-mêmes.
Nous entendrons dans les jours qui viennent:
« Ils se saisirent du Christ pour le faire mourir. »
Tandis que nous poursuivons notre chemin de conversion et de purification, nous avons à nous poser cette question. Dans notre quotidien, nous saisissons-nous de Dieu pour l’enfermer dans nos limites ou nous laissons-nous saisir par lui pour avoir la vie en abondance ?
« Choisis la vie » disait déjà le Seigneur à Moïse.
Paradoxalement ce « choisis la vie » passe d’abord par une attitude de vie offerte. Ce sera ce grand mystère du don du Christ. En cette semaine que nous abordons, « ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne ».
« Me voici, Seigneur, pour faire ta volonté », c’est la parole du croyant qui traverse toute les générations de la bible.
À côté de cette tentation de dénoncer, d’accuser que nous décrit le texte d’aujourd’hui, il y a ce que nous entendions deux jours auparavant des lèvres de Marie :
« Que tout se fasse selon ta parole. »
C’est ce que nous entendons de Thérèse, qui est née à quelques mètres de cet autel, « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même. »
Je retiens sa belle parole à la mère prieure dans ses derniers entretiens, deux jours avant sa mort :
« Maman (pour sa soeur Pauline) l’air de la terre me manque. Quand est-ce que le Bon Dieu me donnera l’air du Ciel ? »
Elle disait cela, prise par l’asphyxie et la dégradation de ses poumons. C’est aussi ce que nous entendons de Zélie quand elle écrit à son frère pour des voeux de nouvel An:
« Quand je vois avec quel soin le Bon Dieu prend soin de nos affaires, je ne puis douter un instant que sa divine providence veille sur ses enfants. »
Ce que nous entendons de Louis, veuf, qui dit à ses filles :
« Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis l’ami du Bon Dieu. »
Cette question « Qu’allons nous faire? » pour Thérèse, Louis et Zélie, elle a une réponse évidente : Faire que Dieu soit le premier servi. C’est le projet de vie, un terme qui parle aux fiancés.
Dans le cadre de la préparation au mariage, c’est une demande qui est faite. Se poser pour réfléchir, rédiger. Mais il y a toujours le risque que ce soit un écrit statique, qu’on range dans un coin. Alors que ça pourrait être la base d’une dynamique qui donne un élan de vie à chaque jour. Un texte qui vit, à travers les joies mais aussi les épreuves et les souffrances dont la vie est jalonnée, comme lorsqu’on le dit dans la prière aux Saint Louis et Zélie.
Que ce soit dans vos volontés d’époux et avec la grâce de Dieu quand on le dit avec le sacrement de l’ordre ou les voeux de la vie consacrée, le projet qui permet de sortir de tous ces « jours sans », comme on dit dans la vie courante. Ces « jours sans » où tout semble plus compliqué, où « choisis la vie, choisis l’amour » ne semble plus être une évidence, où les ténèbres s’épaississent, comme dirait Sainte Thérèse lorsque le ciel bleu devient sombre.
Avancer dans un projet d’alliance sans être conscient que le ciel bleu peut devenir sombre, c’est bâtir sur le sable. Quand toutes ces forces du mal et de mort du Vendredi Saint sont présents, quand toutes ces forces de ténèbres et de silence de Dieu sembleront des Samedis Saints interminables, il nous faut pouvoir redire ce paroles prononcées le jour du mariage:
« Je te reçois et je me donne à toi pour t’aimer fidèlement. Dans les joies et les épreuves, tout au long de nos vies. »
Les paroles d’échange des consentements pendant le sacrement du mariage sont aussi les paroles de tout croyant vis-à-vis de qui Thomas dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Jour après jour, de relèvements en relèvements quotidiens, dans la vie nous entrerons peu à peu dans la joie du Christ ressuscité. Dans ce matin de Pâques qui scelle la victoire définitive de la vie et de l’amour sur toutes les forces de mort qui sont décrites dans l’évangile de ce jour et que nous allons voir se déchaîner les textes des jours saints.
C’est deux fois, dans le Christ ressuscité, qu’il nous fera répéter après Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu. »